C’est dans la ville de Dennenlohe, en Bavière que naît Samuel Naumbourg le 15 mars 1817. Issu d’une lignée de cantors célèbres, c’est naturellement à la Schule qu’il découvre la musique et la ‘Hazanut de l’Allemagne du Sud, avant d’entrer au conservatoire de Munich pour y étudier le chant et la composition. Là-bas, il rejoindra le chœur de la nouvelle communauté dirigé par Maier Kohn. C’est déjà à partir de cette époque, qu’il commence à recueillir et retranscrire les airs de la ‘Hazanut de Bavière.
En 1838, la communauté de Strasbourg lui ouvre les portes de sa nouvelle synagogue inaugurée six ans auparavant et lui propose un poste de chef de chœur. Il l’occupera pendant cinq ans avant d’accepter un poste identique à Besançon puis enfin à Paris. Mais avant de suivre la montée de Samuel Naumbourg vers la capitale, revenons d’abord sur le contexte historique.
Naissance du consistoire
Si après l’émancipation des juifs en 1791, l’année 1808 donne le jour au consistoire de France sous l’impulsion de Napoléon, il faudra attendre encore quelques années avant que ce dernier n’acquière un terrain pour construire sa première grande synagogue, rue de Notre Dame de Nazareth. Pour autant, le Consistoire dès sa création a déjà à cœur de donner à la musique liturgique une place prépondérante. En atteste les premières cérémonies religieuses commémoratives. En 1809, le Consistoire décide de former un chœur de jeunes chantres à l’occasion de l’anniversaire du couronnement de l’Empereur qui se déroulent dans le temple de la rue Savoy.
Quelques années plus tard, en 1820, le compositeur Fromenthal Halevy, suite à l’assassinat du Duc de Berry, proposera au Consistoire d’écrire un De Profundis, ( psaume 130) interprété par le premier ‘Hazan polonais Israël Lovy, engagé deux ans auparavant.
Réforme de la musique liturgique juive française

Photo Musée Carnavalet
Avec l’inauguration de la synagogue de Nazareth, tout comme le précise Gérard Ganvert dans sa thèse de doctorat, nous assistons à la naissance d’un judaïsme qui tend à s’intégrer dans la société française tout en sauvegardant ses valeurs. Aux côtés de la musique liturgique traditionnelle, émerge ce qui va devenir la nouvelle musique synagogale du temple consistorial de Paris dont un des enjeux consiste à s’harmoniser avec la musique savante occidentale. Son premier ‘Hazan Israël Lovy deviendra le premier acteur de cette réforme. Samuel Naumbourg poursuivra son travail. A la mort de Lovy en 1832, celui-ci est encore à Strasbourg.
Huit ans plus tard, lorsque Alfred Picard trop âgé abandonne son poste de ‘Hazan du temple de Paris, Samuel Naumbourg, après avoir appris la nouvelle, écrit une première lettre destinée au Consistoire. Restées sans réponse, il en enverra une seconde un an plus tard. En 1845 il est enfin invité à se présenter devant Valentin Alkan et Fromental Halevy pour une audition. L’avis favorable de ce dernier convaincra les représentants du consistoire de l’engager dès la fin du mois de juin 1845 en tant qu’officiant-chef de chœur, mais il faudra attendre décembre avant qu’il n’entame ses fonctions à la synagogue de la rue Notre Dame de Nazareth partageant avec Isaac David les offices pour combler les absences du second ‘Hazan Jacob Meyer. A noter que de puis 1844 l’orgue a fait sa première apparition dans le culte parisien.

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A la différence de son prédécesseur Israël Lovy, Samuel Nambourg n’a pas son talent vocal. Pourtant dès le début de sa période d’essai, ce dernier va s’attaquer à la rédaction de son premier ouvrage. Son intérêt pour la transcription de la liturgie juive ne l’a pas quitté. Son objectif est simple : réunir les mélodies anciennes, les fixer par écrit et poursuivre l’organisation de la liturgie. A noter qu’il obtiendra sa naturalisation.quelques mois après la reconduction de son contrat. En 1847 soutenu dans son entreprise par Fromenthal Halevy, il publie son recueil Zemirot Yisraël. Ces deux volumes forment le premier recueil de musiques synagogale imprimé en France. C’est le début d’une forme de reconnaissance, pour preuve ce que l’on peut lire dans les archives israélites de 1847 Tome VIII ( page 291.301) » il sauve de l’oubli une foule d’airs très beaux et très anciens » . Ce recueil comprend 112 pages de compositions et d’arrangements vocaux pour ‘hazzan et chœur.
- Dans le premier volume, destiné au shabbat on trouve 103 mélodies répertoriées suivant l’office kabalat shabbat, learvit, leshaarit, lemoussaf,lemin’ha leshabat, le motze shabbat. Huit d’entre-elles sont de Ferdinand Alkan, Formenthal Haley, F. Hellman, D. Hessel, Carles Lebouc.
- Dans le second, destiné aux grandes Fêtes on trouve 300 mélodies dont neuf d’Israël Lovy qui n’a rien publié durant sa vie, ainsi que des airs de Fromenthal Halevy, Meyerber, Léonce Cohen, et Emile Jonas.
L’usage de l’orgue
Dès 1851 une commission chargée des problèmes musicaux et liturgiques voit officiellement le jour. Elle est chargée entre autres de régler le problème de l’orgue. A plusieurs reprises, son usage sera débattu, défendu d’un côté par ses membres laïques, le Docteur Cahen, président du consistoire et Fromenthal Halevy et de l’autre contestée par le Grand Rabbin Isidor, réfractaire à son utilisation. Pourtant après la reconstruction en 1852 de la synagogue de la rue Notre Dame de Nazareth, qui risquait de s’écrouler, un orgue Cavaillé -Coll à demeure y sera installé. Un concours sera même organisé afin d’y nommer un organiste.
Les administrateurs du temple portugais de la rue Lamartine, confrontés aux mêmes difficultés organisationnelles, sollicitent dès 1857 de rejoindre la commission. Ils cherchent à s’unir pour contrer les trop grandes libertés dont font preuve leurs ‘Hazanim introduisant trop de nouveaux chants sans avoir sollicité aucun accord de la part de l’administration.
Quand Samuel Naumbourg devient second ‘Hazan, à la synagogue de la rue de Nazareth, il est curieux de savoir que malgré sa promotion son salaire n’en sera pas pour autant augmenté.
En 1860, le séminaire israélite le nomme comme professeur de chant liturgique. Il occupera cette fonction tout en continuant ses activités de ministre-officiant.
En 1864, il publie un troisième volume, comprenant 96 Hymnes et Psaumes. Cet ouvrage vient s’ajouter à la réédition des précédents. Bien des arrangements de Naumbourg empruntent le style du grand opéra parisien en vogue à l’époque. Cela n’a rien d’étonnant vu les liens qu’il entretient avec des compositeurs tels que Jacques Halévy, Giacomo Meyerbeer et Jacques Offenbach (organiste aussi au temple de la rue Notre Dame de Nazareth)
Il poursuit son travail de réformateur et de musicologue de la musique synagogale en publiant en 1874 un recueil de chants religieux et populaires des israélites intitulé Agoudat Shirim qui rassemble quelques une de ses compositions mais aussi des mélodies traditionnelles du rite séfarade occidental. et des œuvres de Lovy, Fromentahl Halevy. Par ailleurs l’auteur introduit son ouvrage par un historique de la musique religieuse juive.
Depuis ses études à Munich, Naumbourg a eu à cœur de réunir et transcrire les airs traditionnels. C’est toujours dans cette optique, qu’il semble s’être échiné à rassembler les fascicules des cantiques de Salomon Rossi éparpillés à travers l’Europe. Curieusement les travaux d’Israël Adler en 1966 mettront en cause l’ignorance dont fit preuve Samuel Naumbourg face à la présence d’une édition complète de ces cantiques, conservée à la Bibliothèque Nationale.
En 1864 suite au décès de Samuel David, Samuel Nambourg postulera pour devenir premier ministre officiant. En février 1865, il accède à ce poste.
Malade à partir de 1878, il est obligé de suspendre ses activités. Un an après, il reçoit les Palmes d’officier d’Académie. Il meurt le 1er mai 1880, à l’âge de 63 ans, chez lui à Saint- Mandé. Il sera enterré au cimetière de Montparnasse.
Les compositions de Samuel Naumbourg sont encore aujourd’hui régulièrement chantées aux offices de la grande synagogue de la rue de la Victoire, restée fidèle à ce patrimoine. C’est le cas pour son Séou shéarim chanté ici par Micahel Azogui & the ICF choir » une des pièces les plus connues mais également son Ono tovo sous la direction de Léon Algazi ou encore sa rentrée de la Torah en hommage à Rossini.
Source : [La Musique synagogale à Paris à l’époque du premier temple consistorial (1822-1874)] thèse de doctorat de Gérard Ganvert