Samuel Nambourg

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C’est  dans la ville de Dennenlohe, en Bavière que naît Samuel Naumbourg le 15 mars 1817.  Issu d’une lignée de cantors célèbres,  c’est  naturellement à la Schule qu’il découvre la musique et la ‘Hazanut de l’Allemagne du Sud, avant  d’entrer au  conservatoire de Munich pour y étudier le chant et la composition. Là-bas, il rejoindra le  chœur de la nouvelle communauté dirigé par Maier  Kohn. C’est déjà à partir de cette époque, qu’il commence à recueillir et retranscrire les airs de la ‘Hazanut de Bavière.

En 1838,  la communauté de Strasbourg  lui ouvre les portes de  sa nouvelle synagogue inaugurée six ans auparavant et lui propose un poste de chef de chœur. Il l’occupera pendant cinq ans avant d’accepter  un poste identique à Besançon puis enfin à Paris. Mais avant de suivre la montée de Samuel Naumbourg vers la capitale,  revenons d’abord sur le contexte historique.

Naissance du consistoire

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Si après l’émancipation des juifs en 1791, l’année 1808 donne le jour au consistoire de  France  sous l’impulsion de Napoléon, il faudra attendre encore quelques années avant que ce dernier n’acquière un terrain pour construire sa première grande synagogue, rue de Notre Dame de Nazareth. Pour autant, le Consistoire dès sa création a déjà à cœur de donner à la musique liturgique une place prépondérante. En atteste les premières cérémonies religieuses commémoratives. En 1809,  le Consistoire décide de former un chœur de jeunes chantres à l’occasion de l’anniversaire du couronnement de l’Empereur qui se déroulent dans le temple de la rue Savoy.

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Quelques années plus tard, en 1820, le compositeur  Fromenthal Halevy, suite à l’assassinat du Duc de Berry, proposera au Consistoire d’écrire un De Profundis, ( psaume 130) interprété par le premier ‘Hazan polonais Israël Lovy, engagé deux ans auparavant.   

Réforme de la musique liturgique juive française

Synagogue de la rue de Nazareth

Photo Musée Carnavalet

Avec l’inauguration de la synagogue de Nazareth, tout comme le précise Gérard Ganvert dans sa thèse de doctorat,  nous assistons à la naissance d’un judaïsme qui tend à s’intégrer dans la société française tout en sauvegardant ses valeurs. Aux côtés de la musique liturgique traditionnelle, émerge ce qui va devenir la nouvelle musique synagogale du temple consistorial de Paris dont un des enjeux consiste à s’harmoniser avec la musique savante occidentale. Son premier ‘Hazan Israël Lovy deviendra le premier acteur de cette réforme. Samuel Naumbourg poursuivra son travail. A la mort de Lovy en 1832, celui-ci est encore à Strasbourg. 

Huit ans plus tard, lorsque Alfred Picard trop âgé abandonne son poste de ‘Hazan du temple de Paris, Samuel Naumbourg, après avoir appris la nouvelle, écrit une première lettre destinée au Consistoire. Restées sans réponse, il en enverra une seconde un an plus tard. En 1845  il est enfin invité à se présenter devant Valentin Alkan et Fromental Halevy pour une audition. L’avis favorable de ce dernier  convaincra les représentants du consistoire de l’engager dès la fin du mois de juin 1845 en tant qu’officiant-chef de chœur, mais il faudra attendre décembre avant qu’il n’entame ses fonctions à la synagogue de la rue Notre Dame de Nazareth partageant avec Isaac David les offices pour combler les absences du second ‘Hazan Jacob Meyer. A noter que de puis 1844 l’orgue a fait sa première apparition dans le culte parisien.

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A la différence de son prédécesseur Israël Lovy,  Samuel Nambourg n’a pas son talent vocal. Pourtant dès le début de sa période d’essai, ce dernier va s’attaquer à  la rédaction de son premier ouvrage. Son intérêt pour la transcription de la liturgie juive ne l’a pas quitté. Son objectif est simple : réunir les mélodies anciennes, les fixer par écrit et poursuivre l’organisation de la liturgie. A noter qu’il obtiendra sa naturalisation.quelques mois après la reconduction de son contrat. En 1847 soutenu dans son entreprise par  Fromenthal Halevy,  il publie  son recueil Zemirot Yisraël. Ces deux volumes forment le premier recueil de musiques synagogale imprimé en France. C’est le début d’une forme de reconnaissance, pour preuve ce que l’on peut lire dans les archives israélites de 1847 Tome VIII ( page 291.301)   » il sauve de l’oubli une foule d’airs très beaux et très anciens » . Ce recueil comprend 112 pages de compositions et d’arrangements vocaux pour ‘hazzan et chœur.

  • Dans le premier volume, destiné au shabbat on trouve 103 mélodies répertoriées suivant l’office kabalat shabbat, learvit, leshaarit, lemoussaf,lemin’ha leshabat, le motze shabbat. Huit d’entre-elles sont de Ferdinand Alkan, Formenthal Haley, F. Hellman, D. Hessel, Carles Lebouc.
  • Dans le second, destiné aux  grandes Fêtes on trouve 300 mélodies dont  neuf d’Israël Lovy  qui n’a rien publié durant sa vie, ainsi que des airs de Fromenthal Halevy, Meyerber, Léonce Cohen, et Emile Jonas

L’usage de l’orgue

Dès 1851 une commission chargée des problèmes  musicaux et  liturgiques voit officiellement le jour.  Elle est chargée  entre autres de régler le problème de l’orgue. A plusieurs reprises, son usage sera débattu, défendu d’un côté par ses membres  laïques, le Docteur Cahen,  président du consistoire et   Fromenthal Halevy et de l’autre contestée par le Grand Rabbin Isidor, réfractaire à son utilisation. Pourtant après  la reconstruction en 1852  de la synagogue de la rue Notre Dame de Nazareth, qui risquait de s’écrouler,  un orgue  Cavaillé -Coll à demeure y sera installé. Un concours sera même organisé afin d’y nommer un organiste. 

Les  administrateurs du temple portugais de la rue Lamartine, confrontés aux mêmes difficultés organisationnelles, sollicitent dès 1857 de rejoindre la commission.  Ils cherchent à s’unir pour contrer les trop grandes libertés dont font preuve leurs ‘Hazanim introduisant trop de nouveaux chants sans avoir sollicité aucun accord de  la part de l’administration.

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Quand Samuel Naumbourg devient second ‘Hazan, à la synagogue de la rue de Nazareth, il est curieux de savoir que malgré sa promotion son salaire n’en sera pas pour autant augmenté.

En 1860, le séminaire israélite le nomme comme professeur de chant liturgique. Il occupera cette fonction tout en continuant ses activités de ministre-officiant.

En 1864, il publie un troisième volume, comprenant 96 Hymnes et Psaumes. Cet ouvrage vient s’ajouter à la réédition des précédents. Bien des arrangements de Naumbourg empruntent le style du grand opéra parisien en vogue à l’époque. Cela n’a rien d’étonnant vu  les  liens qu’il entretient  avec des compositeurs tels que Jacques Halévy, Giacomo Meyerbeer et Jacques Offenbach (organiste aussi au temple de la rue Notre Dame de Nazareth)

Il poursuit son travail de réformateur  et de musicologue de la musique synagogale en publiant en 1874 un recueil de chants religieux et populaires  des israélites intitulé Agoudat Shirim qui rassemble quelques une de ses compositions mais aussi des mélodies traditionnelles  du rite séfarade occidental. et des  œuvres  de Lovy, Fromentahl Halevy. Par ailleurs l’auteur introduit son ouvrage par un historique de la musique religieuse juive.

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Depuis ses études à  Munich,  Naumbourg a eu à cœur de réunir  et transcrire  les airs traditionnels. C’est toujours dans cette optique, qu’il semble s’être échiné  à rassembler  les fascicules  des cantiques de Salomon Rossi éparpillés à travers l’Europe. Curieusement les travaux d’Israël Adler en 1966 mettront  en cause l’ignorance dont fit preuve  Samuel Naumbourg  face à la présence d’une édition complète de ces cantiques, conservée à la Bibliothèque Nationale.

En 1864  suite au décès de Samuel David, Samuel Nambourg postulera pour devenir premier ministre officiant. En février 1865, il accède à ce poste.

Malade à partir de 1878, il est obligé de suspendre ses activités. Un an après, il reçoit les Palmes d’officier d’Académie. Il meurt le 1er mai 1880, à l’âge de  63 ans, chez lui à Saint- Mandé. Il sera enterré  au cimetière de Montparnasse.

Les compositions de Samuel Naumbourg sont encore aujourd’hui régulièrement chantées aux offices de la grande synagogue de la rue de la Victoire, restée fidèle à ce patrimoine. C’est le cas pour son Séou shéarim chanté ici par Micahel Azogui & the ICF choir  » une des pièces les plus connues mais également  son   Ono tovo sous la direction de Léon Algazi  ou encore sa rentrée de la Torah en hommage à Rossini.

Source : [La Musique synagogale à Paris à l’époque du premier temple consistorial (1822-1874)]  thèse de doctorat de Gérard Ganvert

Quatre cantors inoubliables

 A la fin du XIXème siècle, la ‘Hazzanout ashkénaze voit naître quatre de ces plus éminents représentants, ceux que l’histoire retiendra: Moshe Koussevitzky, Yossele Rosenblatt, Gerson Sirota, et Zawel Kwartin. A eux seuls ils représentent  l’âge d’or de l’art cantoral.

Avant d’évoquer ceux qui ont marqué l’histoire de la ‘Hazzanout, rappelons que le rôle du ‘Hazzan en français « le ministre officiant » consiste  non seulement à accompagner les fidèles dans la  prière, en chantant  les psaumes  et en psalmodiant les textes, mais aussi de  les représenter devant Dieu. C’est dire l’importance de ses qualités vocales et spirituelles.

  • Gershon Sirotanaît en 1874, dans une famille orthodoxe de la province de Podole. C’est auprès de son père qu’ il apprend à conduire l’office. Quand sa famille s’installe à Odessa, c’est naturellement au sein de la chorale de la synagogue qu’il continue de chanter. Rapidement, il s’y fait remarquer; le chef de choeur Yakovkin lui conseille d’ailleurs d’étudier la musique au conservatoire d’Odessa. Admis, il  obtient même une bourse. Après avoir été l’assistant du Cantor Jankiel Seroka, il  devient  ‘Hazzan à la synagogue Prikashtchikes.

En 1886 il est nommé cantor de la synagogue de Vilnius. A partir de cette date il commence à donner  des concerts de musique juive avec un grand chœur, dirigé par Leo Loev C’est le début d’une longue collaboration entre les deux hommes.

En 1902 il chante lors d’une réception en l’honneur de Théodore Herzl. En 1903, il se produit devant le tsar Nicolas II.

En 1908, il émigre à Varsovie où il accepte le poste de chantre à la grande synagogue. Léo Loev l’y rejoint. A partir de 1912, ils entreprennent ensemble une série de concert aux Etats-Unis dont un, au Carnegie Hall ( concert à guichet fermé).Où qu’il soit, sa voix de ténor dramatique attire les auditeurs. Mais ses déplacements  fréquents à l’étranger déplaisent aux responsables de la synagogue de Varsovie. Ils ont besoin d’un cantor à plein temps. Quand il revient en 1927 d’une tournée à New York  il constate qu’ il a été remplacé par le jeune Moshe Kusevitsky.

Comme beaucoup  d’autres ‘Hazzan , celui que l’on nomme le caruso juif improvise. Par contre il n’a pas composé de pièces originales.  Ce que certains appelaient le   » Sirota  Retze  » est de Schlossberg .

Réputé également pour sa générosité, il n’est pas rare de le voir officier lors d’un mariage d’une famille pauvre, sans  être rémunéré.

En dehors de ses  enregistrements phonographiques il chantera dans les films Sabra (1933), réalisé par Aleksander Ford, et Dybuk (1937), réalisé par Michał Waszynski.

En 1935, il devient ‘Hazzan de la synagogue Nozyk de Varsovie qui lui permet de continuer de voyager fréquemment. Juifs et chrétiens assistent à ses concerts ( dont Caruso lui-même.  Quand la seconde guerre éclate, il est  à Varsovie.  Bien que les Allemands lui proposent de quitter le ghetto , au vu de sa renommée mondiale,  Sirota refuse.  Abandonner ses enfants est impensable. Jusqu’au bout il continuera de donner de concerts de musique liturgique dans la Grande Synagogue.

Il meurt ainsi que les membres de sa famille pendant le soulèvement du ghetto  en 1943,  brûlés vifs dans un bunker de la rue Wołyńska.

  • Yossele Rosenblattnaît le 9 mai 1882 en Ukraine dans le shtetel de  Bila Tserkva en Ukraine .  Il est le premier garçon dans une famille  qui se compose de 9 filles. Issu d’une longue lignée de ‘hazzanim, il  commence sa carrière en tant que membre de la chorale de la synagogue locale .Rapidement salué comme un « enfant prodige »,  il déménage avec sa famille à l’âge de 7ans à Sadigora, Bucovine (Autriche).

Marié à 18 ans, il accepte  son premier poste de ‘Hazzan en Hongrie permanent dans Munkacz, en Hongrie. 

Son talent s’y sent rapidement à l’étroit. Quand une place se libère dans la ville de Pressburg ( alors hongroise) aujourd’hui Bratislava, il décide de passer l’audition au coté de 56 autres candidats.

Connu pour sa technique extraordinaire, pour sa grande tessiture, pour la douceur de son timbre et pour sa capacité unique de transition de la voix normale à la voix de fausset et l’utilisation de plusieurs techniques reprises ensuite par les chantres du monde entier, (sanglot)  il a le don d’émouvoir et de subjuguer les fidèles qui l’écoutent. Yossele Rosenblatt est aussi un compositeur prolifique.  Durant les 5 années qui vont suivre, il écrit  et fait éditer 150 récitatifs et pièces chorales. Plus de cent quatre-vingts pièces  ont été conservées.

En 1905 il enregistre  son premier disque  à Vienne pour la société Edison.

Sa renommée grandit et s’étend sur toute l’Europe. Il accepte ensuite un poste à Hambourg. Bien que la ville  soit le berceau de la réforme libérale,  la communauté orthodoxe conserve une place importante. C’est durant cette période qu’il affine ses connaissances musicales classiques. Il se nourrit d’opéra et de lieder de Schubert .

En 1909, lors du congrès sioniste mondial, des représentants et délégués américains entendent sa voix. L’éloge qu’ils en rapportent ainsi que l’exportation de ces disques conforte sa renommée outre atlantique .

YOSSELE ROSENBLATTEn 1911, le ‘Hazzan de  la Première  Congrégation hongroise Ohab Zedek, l’une des principales synagogues de New York  démissionne. Rosenbllat est alors invité pour deux Chabbat. Ses frais de voyage sont payés et on lui  garantit une rétribution substantielle. Le succès de Rosenblatt à Ohab Zedek, qui se trouve alors à Harlem et plus tard, dans l’Upper West Side de Manhattan, est immédiat, si bien  qu’il télégraphie à sa femme de le rejoindre avec leurs enfants. Du jour au lendemain il fait sensation. Les foules se pressent devant la synagogue pour l’entendre. 

Sa voix  rassemble les juifs quel que soient  leurs positions sociales. A travers sa ‘hazzanout, c’est tout son amour pour son peuple, sa culture et sa religion qui s’exprime. Ses supplications élèvent les âmes. Sa ferveur enthousiasme les cœurs.  Il  incorpore aussi bien des récitatifs  dans le style des opéra italiens que des bribes de mélodies folkloriques et de grandes sections de chant improvisé. Ces compositions regorgent de leitmotiv récurrent, issu de la tradition  hassidique.

En 1923 il fait sa première  tournée britannique (concert au Albert Hall ) puis en Europe. Bien que Rosenblatt reçoive d’énormes cachets pour ses concerts et réalise des bénéfices grâce à la vente de ses disques, il est souvent endetté, tant il contribue à verser une grande partie de ses gains aux œuvres de charité. Sa générosité le poussera même à investir dans un journal yiddish.  Suite à cet engagement il fera  faillite en 1925.

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En Août 1927, il  quitte son poste à la congrégation Ohab Zedek.  Pendant les mois qui suivent, il  voyage à travers les États-Unis,  dans des villes comme Minneapolis, Seattle, Indianapolis, Columbus, Milwaukee, Philadelphie et Washington DC, où il rencontre le président d’alors Calvin Coolidge.

En 1928, il  signe un contrat de 10 ans avec la Première Congrégation Anshe Sfard, situé à Borough Park, à Brooklyn.
La renommée de Rosenblatt ne se limite pas au monde juif. En 1929 il accepte de participer au film le Chanteur de Jazz, avec Al Jolson, qui raconte l’histoire du fils d’un chantre qui se tourne vers la musique profane.

Campanini, le directeur général de l’Opéra de Chicago, et Toscanini font appel à lui pour chanter le rôle de premier plan  d’Eléazar dans la Juive de Fromental Halévy . Campanini lui offre 1000$ par représentation.  Bien que  la production lui assure que toutes les prescriptions religieuses seront respectées, (que ce soit  l’annulation de spectacles Shabbat et jours de fêtes, nourriture cacher etc..).Rosenblatt  déclinera la proposition, soulevant l’indignation, l’incompréhension et  la colère des journalistes de l’époque. Yosselé pense que sa voix est un don de Dieu et ne peut  être utilisée en dehors  du service de Dieu.

En 1933, il se rend en Palestine. Il y donne 25  concerts ; Nahum Nardi l’accompagne au piano  et participe au tournage du film yiddish, The Dream of My People.

L’interprétation de Yosselé des Téhilim 126, U’vnucho Yomar. a été si populaire que les dirigeants israéliens l’ ont envisagé comme  hymne national en 1948, avant d’adopter  HaTikva.

Frappé par une crise cardiaque à l’âge de cinquante et un ans, il est enterré au mont des Oliviers par le  Grand rabbin Abraham Isaac Kook, en présence de quelque cinq mille personnes en deuil.et des Cantors Hershman et Kwartin.

Quelques jours plus tard à New York,  aura  lieu  un service commémoratif au Carnegie Hall. qui rassemblera de nombreux et talentueux Cantors ainsi qu’un chœur de plus de deux cents voix. pour chanter sa musique et les ‘E l Malei Rachamim.

A ce jour il demeure une source d’ inspiration  pour les chantres du monde entier .Plus de 180 pièces de l’œuvre de Yosselé Rosenblatt ont été préservées, y compris Hasheim Malakh, V’af Hu Hoyo Miskaven et Mi Shebeirakh.

Moshe Koussevitsky nait en 1899 dans une famille de ‘hazzans en Biélorussie. Sa voie est presque déjà tracée. Il commence par chanter dans les chœurs de la synagogue. En 1914, sa famille rejoint la Russie, puis plus tard en Pologne à Vilna. En 1924, il obtient le poste de ‘Hazzan à la synagogue Tlomacki de Varsovie. Il succède au célèbre grand Cantor Gerson Sirota (1927/ 1928).

Dans les années 1930, il donne des tournées de concerts  à Vienne, Bruxelles, Anvers, Londres et en Palestine. Lors d’ un concert à la  grande Synagogue  de Varsovie  il chante en hébreu le rôle de ténor. dans La Création de Haydn ; son frère David chanté la partie de Gabriel écrite pour soprano.

Invité partout en Europe et en Palestine entre 1935 et 1939. Il doit sa  survie durant la guerre  à  la résistance polonaise. Il émigre en Russie où il retrouve  sa famille. Fuyant la guerre il parcourt  le pays.  De 1944 à 1946 sous le prénom de Michael  il est le principal ténor de l’opéra national de Tbilissi en Géorgie  dans des productions telles que Boris Godounov, Rigoletto, et la Tosca.

Après la guerre, il  donne un concert en Pologne devant  les ambassadeurs britannique et américain, qui intercéderont afin  qu’il obtienne des visas pour les deux pays.  C’est d’ailleurs à Londres qu’il choisit d’abord de se rendre car  il  y retrouve son frère David qui est cantor à  la Hendon Synagogue depuis le début de  la guerre.

En 1946 avec ses trois  frères, (tous chantres de talent), il donne un concert d’adieu  à Londres  au Royal Albert Hall avant de gagner les New York où il reçoit un poste à Temple Beth El à Brooklyn.

Koussevitskys brothers

Un an plus tard  les critiques du New York Times le plébiscitent après  ses débuts  au Carnegie Hall. Il est qualifié comme  » une des voix  les plus remarquables de l’époque »‘.  Il se produit ensuite en Amérique, puis en Afrique du Sud et Israël, où il  gagne aussi une large reconnaissance.

En 1955, il réapparaît au Royal Albert Hall de Londres dans un concert.

A sa mort, Koussevitzky était encore  le hazzan du Temple Beth El de Borough Park à Brooklyn, l’une des plus prestigieuses chaires orthodoxes de New York . Nombreux sont ses enregistrements,

Zawel Kwartin ( 1874/ 1952)

A la différence des autres cantors qui sont  majoritairement tous ténors, et souvent issus de famille de ‘hazzanim, Zawel Kwartin est baryton  et  son père est un marchand de textile.  Il naît le 25 mars 1874 près de Elisatgrad ( kirovahrad) en Ukraine. Devant les qualité vocales de son fils,  son père décide  pourtant de le présenter devant le célèbre Hazzan Yeroucham Hakatan. Après l’avoir écouté le ‘Hazzan vieillissant propose de former le jeune homme. On pourrait s’attendre que son père accpete, or celui-ci décline la proposition ; il juge préférable  que son fils poursuive une carrière dans le textile, qu’il juge plus sûre.

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Avant son mariage Kwartin  se rend avec ses beaux-parents à la synagogue de Yelisvatgrad. La forte impression  qu’il laisse après sa lecture de la  Haftara, puis lorsqu’il mène l’office de Moussaf,  l’incite à apprendre la musique, prendre des cours de chant et étudier la ‘Hazzanout de Sulzer. ( Vienne)  En 1896  . il donne son premier concert public. C’est le début de sa carrière.  L’année suivante  il en donnera un à Lodz,. Commence alors une série de concerts à travers l’Europe couronnées de succès .

En 1903, il concourt pour le poste de la synagogue nouvellement construite dans le quartier juif .de Vienne  Sur 63 candidatures, le jury retient  la sienne Son salaire est de 2500 couronnes par an, ce qui est considérable pour le poste.
En 1909, il  déménage pour Saint-Pétersbourg, où il devient premier cantor de la Grande Synagogue. avant d’accepter un poste à la Grande synagogue de Budapest où il restera 10 ans.

Depuis 1914 Kwartin est invité à se produire pour une série de 30 concerts  aux  Etats Unis, mais en raison de la guerre , il ne s’y rendra qu’en 1920 .

Bien qu’il n’ait pas reçu un grand accueil lors de  son premier concert à la Metropolitan Opera, il emporte un vif succès  au théâtre de  l’Hippodrome . Par  la suite  il parcourt l’Amérique  et obtient l’adhésion du public, si bien qu’il décide  de rester aux États-unis. Nommé ‘Hazzan au Temple Emanuel  il obtient un salaire  de 12.000 $ ce qui le place  le ‘Hazzan le mieux payé de tous les temps.

En 1928 Kwartin publie deux volumes de son ouvrage (en trois volume)s, ‘Z’mirot Zevulon’ Le troisième sera  publié en 1937. S’y  trouve la plupart de ses célèbres morceaux, dont ‘Tiheir Rabbi Yishmoel, Ve’al Yedei Avodecho, etc. qui aujourd’hui encore sont  toujours chanté.

Sa première visite en 1926 en Terre Sainte l’émeut au point qu’il décide d’y faire construire une maison sur le mont Carmel. Il  donne une série de concerts à travers le pays avant de retourner l’année suivante aux Etats-Unis et accepter un poste à Newark dans le New Jersey .Il y passera les quinze dernières années de sa vie. Il meurt le 3 Octobre 1952 et sera enterré  en Israël .

 

Rudolf Karel (1880-1945)

Né le 9 Novembre 1880 à  Pilsen, il n’entre au conservatoire de Prague.qu’en 1901. C’est donc assez tardivement qu’il entame son  apprentissage musical ( notamment l’orgue avec Klicka.) A la fin de son cursus, il deviendra un des derniers élèves d’Anton Dvořák pour la composition et l’orchestration.

Quand la première guerre mondiale éclate, il a déjà composé  de nombreuses œuvres de musique de chambre, un opéra « Le cœur d’Ilse » op. 10 (1909),  une grande épopée symphonique, intitulée  » Idéale  » op. 11 (1909) et sa symphonie « Renaissance » op. 15;  il vient de terminer  sa symphonie pour violon et orchestre (op. 20). Il se trouve alors en Russie où il y passe l’été, quand il est suspecté d’être un espion autrichien,  et enfin arrêté. Finalement il  ne pourra rentrer  dans son pays qu’en 1923 ; Entre temps, la révolution d’octobre l’aura conduit de Omsk à Vladivostok et Irkoutsk ;  villes dans lesquelles il put exercer le métier de chef d’orchestre et de professeur. Une seule œuvre composée entre 1918 et 1920 intitulée « Démon » (op 23)  subsiste de cette période  Créée par la Philharmonie tchèque en 1921, elle obtiendra un vif  succès auprès du public.

De retour à Prague en 1923, Rudolf  Karel est  nommé professeur de composition au conservatoire.

Durant  la période de l’entre deux guerres, il compose  des cycles de mélodies et des cantates, un opéra  « La mort-marraine » op. 30 (1932) un  « Quatuor à cordes » op. 37 (1936) une nouvelle « Symphonie du Printemps » op. 38 (1938).

En 1938,  les accords de Munich, signent la mort de la Tchécoslovaquie  en tant qu’état indépendant,  offrant par la même occasion  l’autorisation tacite à  Hitler d’annexer la région des Sudètes. Une de ses conséquences sera de pousser 150 000 à 250 000 Tchèques à quitter cette région. On connait la suite. Quelques mois plus tard, Hitler envahit la Tchécoslovaquie. Antifasciste convaincu, Rudolf Karel qui approche alors de la soixantaine, se lance dans la résistance. Pour autant,  cela ne l’empêche pas de continuer à écrie notamment une « Ouverture révolutionnaire » op. 39 (1941).

Malheureusement,  en 1943, il est arrêté et emprisonné dans une prison de Prague dans le quartier de Pankrac.  Là encore , même incarcéré, alors que la Gestapo lui fait  subir régulièrement de pénibles interrogatoire,  il continue de composer. de la musique pour piano mais aussi son conte « Les trois cheveux d’or du grand-père omniscient ». Comment s’y prend-il ? Grâce à la complicité de gardiens  et de médecins de la prison il obtient en cachette  de simples feuilles de papier toilette sur lesquelles il dessine des portées de musique et écrit sa musique.  240 feuillets sortiront ainsi en cachette de la prison.  C’est de cette manière qu’il écrivit également son Nonette op 43 (pour flûte, hautbois, clarinette, basson, cor anglais, violon, alto, violoncelle et contrebasse,) entre le 16 janvier et le 5 février 1945. Envoyé ensuite à la petite forteresse de  Terezin,  la dysenterie l’emporte le 6 mars 1945 .

Mi maamakim

Le psaume 130  « Mi maamakim »  « Des profondeurs je t’appelle Éternel..”  est régulièrement interprété lors de cérémonies commémoratives  à la Grande  Synagogue de la Victoire, à celle de  la Rue Vauquelin, ou encore  à celle de la rue de Chasseloup Loubat.

Bien souvent c’est  la partition tirée  du recueil de  Samuel David qui est alors choisie.

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Cette année,  à l’occasion de la cérémonie du 8 mai à la synagogue de Chasseloup Laubat, j’ai eu le privilège d’accompagner  la version qu’en a faite  Arthur Honegger en 1946,  interprété par la basse Navot Barak.

Cérémonie du souvenir à la synagogue de Chasseloup Laubat mai 2013

Cérémonie du souvenir à la synagogue de Chasseloup Laubat mai 2013